1 mars 2021 Par ulimiz 0

Pour un nouvel écosytème

Tout est à reprendre. Pas à refaire, mais à revoir, complètement ! Le paysage culturel, les chemins de vie qui y mènent, le langage avec lequel il sied d’en parler aux Comores, tout ou presque est en train de changer.

Longtemps, elle joua son rôle. Longtemps, elle garantit la cohésion de cette société aux influences venues des quatre coins du monde. Longtemps, elle permit de faire éclore cette identité singulière que l’on dit indianocéane, sans en mesurer véritablement les contours et les limites. Elle ? La culture, bien sûr. Les Anciens s’en souviennent encore, du temps où la culture rimait avec la nécessité du groupe. On parle bien entendu là d’une époque où être poète n’était pas un métier, où le mot « artiste » lui-même n’existait pas, où l’obtention d’un contrat ou d’un visa pour une tournée à l’étranger n’était une obsession pour personne. Une époque où la culture était synonyme de partage, de commun.

Mais le temps passe, et les choses changent. Les 40 dernières années ont vu s’amorcer un autre mouvement. On a d’abord usé la nature du folklore (utamaduni) et des singeries qui lui sont d’ordinaire associées, parié sur des nouvelles attentes générationnelles et sur des envies subites de reconnaissance. Quelques Comoriens ont notamment essayé d’inscrire leurs noms dans des circuits de diffusion à l’internationale. Une aventure qui n’a pas toujours été simple, mais qui a ouvert la voie aux audacieux et aux opportunistes. Sur le marché, on a vu débouler des tas de projets prometteurs. Il en est qui se sont fabriqué des expos, qui ont produit des albums, publié des livres, produit des spectacles. Des propositions souvent portées par des gens qui n’étaient pas toujours assez bien outillés, mais qui voulaient bien essuyer les plâtres…

Un phénomène qui s’est très vite installé dans une forme de routine, sans que les acteurs culturels eux-mêmes ne prennent le temps d’y réfléchir. La plupart d’entre eux se contentèrent d’en être, à défaut d’en vivre, pleinement .Aborder les problèmes structurels d’un secteur lourdement freiné par les usages d’un passé que personne ne prend plus la peine d’expliquer est loin d’être évident. Les résultats ne sont pas au rendez-vous. Il a pourtant été dit que la décennie qui vient de passer allait confirmer des talents en nombre incalculable, consolider les acquis de carrière, élargir la perspective. Un schéma qui n’a pas si bien fonctionné, à en croire les chiffres. A peine si l’on se souvient des pionniers. On a plutôt vu les artisans de la nouvelle culture s’épuiser, à force de pointer du doigt les manquements de l’Etat à leur égard. Tous se retrouvent à manger de la semelle à la même table, incapables de mesurer ou de garantir le long terme à leur activité.

Revue, journal, livre, disque, en vente sur le site.

Le consumérisme et ses nombreux avatars n’ont pas aidé à mettre les choses à plat, non plus.  Et la culture, entretemps, s’est mis à se dématérialiser dans tout le pays, le public perdant de son acuité et de sa curiosité légendaire, l’économie se transformant en une machine complexe, qui a fini par noyer les uns et les autres dans leur jus. Sans doute qu’il eut fallu penser plus en amont pour parvenir à initier d’autres tracés. Mais Boul, icône nationale s’il en est, l’a toujours dit à qui voulait l’entendre : « la réflexion est une économie de temps ». Le destin de la scène comorienne exige de vraies assises. Pour inventer des manières de faire et d’agir, qui soient en phase avec le nouvel âge tant espéré. Ulimiz-B., plate-forme de vente culturelle, s’engage dans cette voie[1]. Dans une volonté réelle de contribuer à réinventer un écosystème en ces îles, qui tienne compte des réalités du monde actuel et du désir de tous d’échanger, sans se perdre en chemin.

Mais pour que cette logique fonctionne à temps plein, Ulimiz-B. a besoin de l’effort de tous. De plus en plus de Comoriens vont sur la toile, à la recherche d’objets et de discours questionnant leur pays. Beaucoup d’entre eux souhaitent y trouver un sésame, les autorisant à converser avec le monde qui les entoure. En mettant cette vitrine culturelle en place, Ulimiz-B. répond à un certain nombre de leurs attentes. Tu cliques sur le site et tu y trouves ce qui nourrit ce nouvel imaginaire à partager au nom de l’archipel. Les journaux, les livres et les disques sont un prolongement de l’histoire commune. Mais les poètes et les artistes ont besoin de public pour tenir debout plus longtemps. Raison pour laquelle cette plate-forme ne peut exister sans vous. Dans sa volonté de promouvoir la scène comorienne avec les outils de son époque, surtout. Car soutenir la culture d’un pays, aujourd’hui, c’est aussi acheter les œuvres qui la font vivre.

s.e


[1] Ulimiz-B. n’est pas seule à se réclamer des Comores sur le marché des ventes en lignes. Mais elle est seule à s’occuper de culture, en espérant que d’autres enseignes virtuelles, plus généralistes, s’ouvrent, elles aussi, au secteur.

L’image en Une appartient à la série Les écrits du fou de Soeuf Elbadawi.