
Et si on achetait les disques…
Une histoire dont personne ne parle. L’époque assène ses humeurs avec une telle violence que parler de culture, à l’heure où les Comoriens cessent de manger à leur faim, de soigner leurs bobos et d’aller sur les bancs de l’école, le regard rempli plein d’espoir, revient à pisser dans un violon, au lieu d’apprendre à en jouer.
Simple question d’époque et de logique. La culture traditionnelle a trouvé son modèle économique, il y a bien longtemps. N’importe quel négociant en import-export dans l’archipel sait que c’est grâce à elle que les commerces vendent plus de ciment, de riz, de frusques et de perruques. Lorsqu’arrive la grande période des harusi, l’indice économique tape sa crise de reconnaissance saisonnière et rapporte des millions de kmf par kilo, reboostant de fait l’économie nationale.
L’heure est à la reconstruction pour le brouillant secteur culturel, cependant. Les vieilles recettes battent de l’aile et en appellent à de nouvelles pratiques. La scène comorienne actuelle ne rêve d’ailleurs plus de revivals folkloriques, mais de création et de re création. Elle se cherche un nouveau souffle à travers des arts censément nouveaux, générant à leur tour des attentes débordant le classique capital social, dont se prévalent notables et parents, devenus gardiens du temple. De nos jours, le peuple consomme de la culture, mais aspire, malgré tout, à un imaginaire, transcendant le patrimoine, tel que transmis. Auteurs, cinéastes, musiciens, plasticiens… le monde change. La scène culturelle avec. On rivalise de génie pour enchanter ses contemporains. U poème, un spectacle, un film ou encore une photo. Les mots énoncés, ici ou là, ne suffisent cependant pas à faire émerger ce qui n’est pas. Sans doute, parce que les acteurs culturels eux-mêmes ont dû mal à faire se rencontrer leurs attentes. Entre ceux qui espèrent une subvention-miracle pour se reconstruire une vie et ceux qui courent après un visa et un contrat à l’étranger, le fossé n’est parfois pas très grand, maintenant qu’il est par l’absence d’une réflexion commune, pointant sur les convergences.




Ces disques sont disponibles sur ulimiz-b.com
Récemment, s’est tenu un raout du ministère de la culture sur les industries musicales. Touts les conviés y ont exprimé leurs frustrations. Aucun ne s’est posé la question de comment faire exister un artisanat musical, sur un marché de niche, où le live a disparu et où les disques ne se vendent plus. Un modèle économique est à trouver, si les artistes souhaitent s’émanciper de la situation de mendicité qui est la leur. Certes, on parle des plateformes numériques et des modes de consommation actés par les nouvelles générations, mais aucun artiste ne peut se prévaloir de vivre de dividendes certaines ou suffisantes, tirées de la diffusion digitale de ses œuvres sur la toile. Aucun d’entre eux, en tous cas, n’échappera à cette discussion. On nous a posé la question de savoir si l’on ne pouvait vendre de la musique comorienne sur Ulimiz-B, en adoptant les méthodes du moment : streaming, téléchargement, paiement à l’écoute. On nous reproche même d’être en retard sur l’époque. La vérité est que vendre un disque physique est le seul moyen trouvé, aujourd’hui, pour assurer un gain réel aux artistes comoriens. C’est le seul moyen de leur garantir un revenu honnête, et maîtrisable. On n’a pas encore trouvé mieux. Dire le contraire suppose que l’on mente à un public, à qui on devrait plutôt apprendre à apprécier l’objet disque. Surtout, en cette période de pandémie, où les artistes ne trouvent plus où se produire.
Donc, nous signons et persistons dans notre folie. Venez découvrir et soutenir la musique comorienne sur ce site, en acquérant les œuvres. Vous aurez toute la reconnaissance des artistes, qui en ont réellement besoin, pour continuer à créer des partitions singulières et dignes
s.e
L’image en Une du texte figure le premier disque enregistré de l’association musicale de Moroni (ASMUMO).