1 novembre 2021 Par ulimiz 0

Cette révolution qui n’advient pas

Cela pourrait être le titre d’un livre ou le slogan d’un militant politique désabusé. Il y en a tellement qui disent que l’archipel des Comores mérite de vivre une révolution par les temps qui courent qu’on ne peut s’empêcher d’espérer l’impossible. Cette révolution qui n’arrive pas relève juste du constat. Celui d’une réalité qui peine à se dresser, d’un même mouvement, au nom de la culture, en ces îles.

A Mayotte, se négocie un peu d’argent pour les artistes. C’est un fait ! L’Etat, le département et les expatriés y nourrissent la machine. Dans les écoles, les institutions, les bars, circule un peu de cash, pour les plus persévérants. On arrive même à y parler de formation et de résidence depuis, maintenant, quelques années. De l’autre côté de l’archipel, par contre, c’est zéro budget ! Il y a une direction nationale de la culture, mais elle fait figure de mascotte de foire. On l’exhibe de temps à autre (à l’expo universelle de Dubaï, par exemple) pour donner le change, mais jamais assez longtemps pour tenir le désir de tous en ébullition.

Désir de créer et de poursuivre le récit archipélique ! Car il en faut un, malgré les tensions et les ruptures, qui ne profitent qu’à ceux qui manquent de vision pour se dresser en un corps sensible et fulgurant ! Tellement de choses à se raconter entre le gars de Mtsamboro et celui de Chiroroni, entre celui de Moroni et de Fomboni, qu’il n’est pas besoin de célébrer ce qui divise entre eux. Dans ce paysage, les différences ont longtemps consolidé l’utopie du cercle. Le fait est qu’un créateur, conscient du potentiel qu’offre ces îles en matière de public, ne peut qu’œuvrer dans le sens du commun. Ce qui présenterait pour lui un avantage certain. Celui de disposer d’un public-pays conséquent, l’autorisant à mieux négocier son rapport au monde.

Les histoires lues de Salim Hatubou à Mamoudzou, les punchlines en rythme d’un Baco (& Urban Plant) à Mutsamudu, les peintures mystiques d’un Papa Ke à Mitsamihouli, le krump déjanté d’un Seush à Fomboni, traduisent une même volonté d’exister. A quand une politique allant dans le sens des liens retrouvés et renouvelés ? A quand cette poétique du penser ensemble dans une même dynamique, de manière à interroger le vivant sur cet archipel, avec la puissance d’un imaginaire arraché à plusieurs siècles de shungu entretenu. Le lieu reste incontournable, écrivait Glissant. Le créateur en ces îles a besoin d’un peuple qui le suive dans sa folie. Qui mieux qu’un concitoyen d’archipel pour te comprendre, ô artiste à la tête perchée ?

Les poètes l’admettent. Une révolution doit se produire. Avec tous ces outils de culture, qui, aujourd’hui, donnent plus que jamais les moyens de donner de la voix à cet archipel, trop longtemps assoupi sur lui-même. Ce qui est célébré sur ce site évoque la richesse d’un pays debout avec ses enfants, malgré les coups subis. Quiconque nous rend visite sait que nous rapportons la parole d’un même terreau sur le web. C’est ce qui va fonder le bouche-à-oreille, concernant l’intérêt ou pas de notre démarche en ligne.

Ceux qui nous commandent des livres, des disques, des journaux – merci, en passant –  savent que le lien est encore là, bien vivant entre les enfants de cet archipel, et qu’il nous faut juste le raviver, de temps à autre, en montrant le meilleur de ce que nous sommes, culturellement. Mais pour que l’utopie tienne dans les rangs, nous devons entrer en ces livres, nous immerger en ces musiques, nous gorger de toutes ces images, qui nous fondent un horizon autre que celui de la division. Faites un tour sur nos rayons, vous verrez que nous n’avons pas que le passé figé pour nous éblouir en ces lieux.

Une révolution ? Oui ! Celle du « nous », enfin assumé.

s.e